Mes romans de l’été 2024 – 5

Petites Dents, Grands crocs

Emilie Guillaumin – 272 pages – HARPER COLLINS (04/01/2023) 

4ème de couverture

Sarah Barry, épouse et mère en apparence comblée, a quitté les RH d’une grande entreprise pour s’accorder une année d’écriture. Mais alors qu’elle dispose enfin du temps nécessaire, le piège de la domesticité semble se refermer sur elle.

Cela commence par une fatigue inhabituelle, des chutes de cheveux, et puis il y a ces maux de tête lancinants.

Quand il n’est pas en voyage d’affaires, son mari la couve, la chahute, la questionne. Entraînant leur fils dans ce manège qui ne tourne plus très rond. À moins que ce ne soit elle qui fantasme ?

Dans une langue et un rythme envoûtants, sorte de ritournelle noire où les vampires prennent les atours de la tendresse, Émilie Guillaumin offre avec ce troisième livre un regard sans concession sur le couple et la maternité.

Mon avis :

Un grand merci à Babelio et les éditions Harper Collins poche pour ce roman proposé dans le cadre de Masse critique. Il aurait peut être fallu insérer au début de ce roman un trigger warning concernant les araignées.

Cette épouse, très amoureuse de son époux, s’est perdue dans les désirs de celui-ci. Besoin d’amour ou de possession, très vite on comprend que c’est lui qui compte, qui décide, qui prend toute la place. C’est pour le bien de sa femme et son fils qu’il adore. Et puis c’est un jeune entrepreneur très sollicité, qui se bat pour son entreprise, un bon fils, un bon père, un bon mari. Enfin, c’est l’image, et si on grattait un peu ? On ne peut pas, tout est lisse.

Même l’enfant, Thomas, est intrigant. Il ne semble être qu’un personnage secondaire dans la vie de Sarah. Une contrainte, une obligation, presque une anomalie dans sa vie. De plus, il a d’étranges réactions possessives comme son père. Et cette attirance pour le sang, l’odeur du sang, le goût du sang, ça pose problème y compris à l’école. En même temps, il semble être un mignon petit garçon. Doit-on s’y fier ?

Alors Sarah ? Pourquoi s’est-elle coupée du monde qui lui convenait ? Quitter son travail, ne plus voir ses amies, se retrouver enfermée avec ce projet de livre qu’elle pensait vouloir écrire ? Quel jeu joue t’elle ? La bonne mère de famille, la femme aimante, efficace et dévouée ? Non, quelque chose cloche. Elle est épuisée, trop. Elle voit des médecins, leur explique ses symptômes. Peu efficace. Sa santé décline vite, sa raison aussi. Elle est seule. Par choix ?

La fin de ce roman nous donnera une solution glaçante. Mais le pourquoi, le comment, le qui ? Il n’y aura aucune réponse.

Je suis sortie de ce histoire confuse et nauséeuse. Son atmosphère pesante, poisseuse et malsaine m’a poursuivie pendant toute la lecture et après aussi. Je ne sais pas si j’ai aimé cette histoire, détesté les personnages, envie d’aider Sarah à tout prix. Au final, elle ne m’a pas laissé indifférente, c’est là le talent de l’autrice. Elle aura su instillé un univers à la spirale infernale dans laquelle tombe Sarah irrémédiablement. Bref un roman perturbant qui pose un regard inquiétant sur la vie de famille.

Découvrez d’autres romans :
– Un parfum d’encre et de liberté de Sarah McCoy

Mes romans de l’été 2024 – 4

Panorama – Lilia Hassaine –

240 pages – GALLIMARD (17/08/2023)

Résumé : « Les premières lignes du prologue nous mettent sur la piste d’une enquête policière avec comme narratrice celle qui va la mener. Une disparition, banale pour un polar. Un couple et son fils de huit ans.
Sauf que nous sommes en 2049, dans une France dystopique où on vit à l’ère de la Transparence depuis la Revenge week de 2029, révolution qui a éclaté suite à un énième crime jugé impuni par une population excédée par le laxisme de la justice. Pour se libérer du Mal, les Français ont désormais le choix : vivre dans des quartiers transparents composés de maisons-vivariums. Un moins pire des mondes où on ne peut plus battre sa femme, maltraiter un enfant ou une personne âgée en EHPAD puisque la moindre suspicion de crime déclenche immédiatement une réaction des voisins, tous en hyper vigilance sur ce qu’il se passe à côté de chez eux.
Dystopie ou le peuple juge en votant si les jugés présumés coupables le sont vraiment. a eux de prouver leur innocence

Mon avis : En prenant l’angle d’une enquête policière, l’autrice dénonce les dérives d’une société soit disant parfaite. Sauf que cette enquête devient aussi sociétale.

Entre les procès populistes en direct live, des zones de droit et l’exhibitionnisme d’une certaine population bien pensante, cette utopie est glaçante et pour ma part, j’ai eu juste envie de fuir ces voyeurs et courir vers les zones « non protégées ».

Un grand bravo à Lilia Hassaine qui sait raconter cette histoire sans mettre de pathos mais beaucoup de lucidité et de calme dans ce monde fou qu’elle narre. J’ai dévoré ce roman de « science-fiction » étonnant.

Mes romans de l’été 2024 – 3

Un parfum d’encre et de liberté – Sarah McCoy – 480 pages POCKET (02/02/2017)

Résumé : 1859. Deux ans avant le début de la guerre de Sécession. Sarah Brown, fille d’un célèbre abolitionniste, se résigne à ne pas avoir d’enfant. « Qui voudrait l’épouser ?  » se désole sa mère… Sarah retrouve pourtant goût à la vie en s’engageant avec sa famille dans un groupe de résistants, qui aide les esclaves à fuir leur terrible sort vers le nord de l’Amérique. Grâce à ses talents artistiques, elle retrace et dissimule dans ses dessins les cartes secrètes qui mènent à la liberté.


2014. Eden et son mari, un couple en manque d’enfant, emménagent dans une ancienne demeure de la petite ville de Charleston en Virginie. Alors qu’Eden vagabonde dans sa maison en compagnie de sa voisine, une fillette énigmatique, elle découvre une tête de poupée soigneusement cachée dans le cellier. Malgré les ravages du temps, elle entrevoit de curieuses lignes sur le visage de porcelaine, dans lequel se trouve une mystérieuse clé…


Plus d’un siècle sépare Eden et Sarah mais leurs routes vont s’entrecroiser. Car sur la grande carte de l’Histoire, le passé et le présent se rejoignent. Le destin de ces deux femmes dépassera la douleur de ne pas pouvoir enfanter et elles se révèleront à elles-mêmes.
1859. Chez les Brown, la cause abolitionniste se transmet de père en fille. En pleine guerre de Sécession, la jeune Sarah suit les traces de son célèbre père, sacrifiant tout de sa vie de femme dans son combat pour la liberté…
2014, banlieue de Washington. En achetant cette vieille demeure sur Apple Hill, Eden pensait pouvoir guérir son désir d’enfant – que son corps lui refuse. Une nouvelle vie, de nouveaux voisins et, cette mystérieuse tête de poupée retrouvée dans la cave, lui ouvriront un autre chemin, tracé pour elle depuis plus de 150 ans.
Plusieurs décennies séparent ces deux femmes et pourtant leurs destins se rejoignent sur bien des points…

Mon avis : Ces deux femmes que l’Histoire sépare, sont deux esprits libres, des entrepreneuses courageuses et volontaires. Mais surtout, elles sont mues par l’amour et le partage. C’est un roman plein de bienveillance.

Autant dans la partie historique, les épreuves que vivent les protagonistes sont perturbantes, dangereuses voire mortelle, autant la partie moderne (2014) est un peu trop parfaite. Dans cet environnement tout le monde est gentil, la ville proprette et le festival annuel joyeux avec un vote sur sa meilleure tourte : on se croirait dans la série Gilmore Girls. Tout cela n’est pas très crédible. Mais c’est un bon roman pour se reposer et profiter de promenades en montagne ou de la plage.

Mes romans de l’été 2024 – 2

La laitière de bangalore – Shoba Narayan – 2020
304 pages
LE MERCURE DE FRANCE

Résumé : Après plus de vingt ans passés aux États-Unis, Shoba rentre en Inde avec sa famille. Dans les rues de Bangalore, hommes d’affaires côtoient vendeurs à la sauvette, mendiants, travestis et… vaches! Shoba se lie bientôt d’amitié avec Sarala, sa voisine laitière dont les vaches vagabondent dans les champs. Mais lorsque Sarala propose à Shoba de participer à l’achat d’une nouvelle bête commence une drôle d’épopée !

Acheter une vache en Inde n’est pas une mince affaire… Il y a des règles strictes et d’innombrables traditions à respecter. Et comment choisir parmi les quarante races indigènes de bovins – sans compter les hybrides ! De foires aux bestiaux en marchandages sans fin, Shoba redécouvre l’omniprésence de l’animal dans la vie indienne : on boit son lait, mais on utilise aussi sa bouse pour purifier les maisons, son urine pour fabriquer des médicaments…

Dans une succession de scènes cocasses et émouvantes où les vaches ont le premier rôle, Shoba Narayan évoque aussi les mantras, Bollywood, la médecine ayurvédique, le système de castes, et dresse ainsi un portrait contrasté de l’Inde d’aujourd’hui.

Mon avis : Mais quel petit bonheur de lire ce livre. Je me suis retrouvée plongée dans les rues de Bangalore, rues qui pourraient être celle de n’importe quelle grande ville d’Inde – traînant dans les villages le nez au vent, dans les rickshaw et les taxis. Parfums, goûts, sourires et contradictions indiennes auxquelles nous les occidentaux sommes parfois confrontés avec étonnements.

Le maître mot : garder sa sérénité coûte que coûte. Incredible India

Mes romans de l’été 2024 – 1

Hilarion – Christophe Estrada – 437 pages
ACTES SUD (04/02/2012)

Résumé : Automne 1776, Aix s’anime : les hommes du Parlement font leur rentrée après avoir passé les mois d’été dans leur villégiature. De Toulon, arrive la rumeur des frasques des fils de bonne famille qui servent le roi dans les Gardes Marines. Une jeunesse plus dissipée, plus insolente, plus violente… Toutefois, les apparences sont trompeuses. Dans l’ombre du vieux palais comtal, le drame se noue. Le chevalier Hilarion, dont la réputation d’investigateur n’est plus à faire, est sollicité pour débusquer l’auteur de mises en scène autant macabres que scandaleuses. La noblesse d’Aix enterre ses morts, Hilarion poursuit ses fantômes.

Mon avis : Le chevalier Hilarion arrive à Aix à l’automne avec le mistral et le froid. Auréolé de ses réussites d’enquêteur pour la couronne, il est chargé de représenter le Roi à Aix, après avoir déjoué un complot fomenté par les pénitents rouges contre le monarque.

A peine arrivé auprès de sa tante,  la sagace et originale Mme d’Espinouse , il se frottent aux rumeurs et à la curiosité des nobles. Nous sommes en 1776, dans quelques mois, la révolution changera la donne et le peuple gronde.

Dans ce roman historique sombre, des meurtres sanglants et humiliants de jeunes nobles sont mis en scène. Avec le  lieutenant criminel Lebrest, enquêter sur la mort de jeunes nobles retrouvés émasculés dans des fontaines n’est pas facile. Même au nom de la justice du roi, interroger des nobles et de mettre à jour leurs secrets demande du courage et de la ruse. Ces deux personnages louvoient dans un monde en pleine mutation.

Quand à Hilarion, son sang chaud, a le don de le mettre dans des situations où il devra démontrer ses talents de bretteurs et d’enquêteur. Ce sera surtout sa ténacité et sa pugnacité concernant ces enquêtes qui le mettent face au danger. Clairement, il aime ça. Ce qui le chagrine, c’est de mettre en risque ses proches, – servants, amis ou famille – et que l’on tente de se moquer de son intelligence. Attention, il ne lâche rien.

Ce héros des temps anciens est un chevalier comme on aimerait en avoir un dans des ascendants. Il reste pétri dans sa noblesse de caste et de cœur et sait se faire des ennemis en tout élégance.