Mes romans de l’automne – 3

Le Silence – Dennis Lehane

– 480 pages – americain – 2023 – roman policier/drame humain

4ème de couverture

En cet été de 1974, à South Boston, quartier irlandais de Boston, Mary Pat Fennessy mène une existence routinière. Un soir, Jules, sa fille de dix-sept ans, ne rentre pas à la maison, et sa trace disparaît dans la chaleur moite de la ville. La même nuit, un jeune Noir se fait mortellement percuter par un train dans des circonstances suspectes. Ces deux événements sans lien apparent plongent les habitants de Southie dans le trouble.
D’autant que la récente politique de déségrégation mise en œuvre par la ville provoque des tensions raciales et qu’une grande manifestation se prépare. Dans sa recherche effrénée de sa fille, Mary Pat, qui croyait appartenir à une communauté unie, voit les portes se fermer devant elle. Face à ce mur de silence, cette femme en colère devra lutter seule pour faire éclater la vérité, si dévastatrice soit-elle.
Grand roman américain, Le Silence met à nu le cœur sombre d’un pays en plein désarroi à travers le portrait d’une mère au cœur brisé.

Mon avis

Prix de la Littérature Policière – Grand Prix – Etrangère – 2023 : un prix largement mérité.

En lisant la 4 ème de couverture, on sait déjà tout de la trame de l’histoire. Et pourtant, on ne sait pas. On découvre Mary Pat, on s’angoisse avec elle, on a le cœur brisé avec elle, on est écœuré avec elle.

C’est une époque qui est décrite ici, celle où ceux qui n’avaient rien pensaient pouvoir compter sur leur communauté.

Mais c’est déjà la fin de cette époque. « Chacun pour soi » est déjà en route avec une hypocrisie de classe. C’est déjà les prémisses des réseaux sociaux. Sauf que là, c’est une micro-société , un quartier comme un village, qui s’illusionne sur sa solidarité et ment à Mary Pat. Ca, elle ne le pardonnera pas, c’est une dure à cuire, une battante et elle a la main lourde, mais comme elle a tout perdu, elle s’en fout. Alors tant pis pour ceux qui lui ont menti et qui se sont tus : ils vont payer.

Et puis il y a Augie Williamson, ce jeune noir qui s’est égaré dans le mauvais quartier. Il est le fils d’une collègue de Mary Pat, Dreamy, une femme bien, une famille bien, sans histoire. Pourquoi trainait -il dans ce quartier de blancs racistes ?

Enfin, il y a Bobby. Ce flic enquête sur la mort de Augie et connaît bien ce quartier, il y vit ; lui, va rencontrer Mary Pat, essayer de sauver mais surtout comprendre la détresse qui la submerge.

Un magnifique roman avec une bande son surprenante de musique classique, où on découvre des personnages forts et lumineux. On quitte Mary Pat , Bobby et tous les autres à la fin du roman avec tristesse et résignation.

C’est un roman qui hante longtemps après le dernier paragraphe. Un de ceux qu’on oublie pas.

Merci @librairieentrelespages pour cette superbe découverte.

Mes romans de l’automne -2

Le sort qui nous lie – Geneviève Gornichec – Editions Sabran – 512 pages

4ème de couverture

Pour le meilleur ou pour le pire, vos destins sont liés.
Dans la Norvège du temps des Vikings, trois jeunes filles partagent leur amitié et leurs rêves. La jeune Oddny aspire à une vie paisible, contrairement à sa soeur Signy, qui rêve d’aventure et de liberté. Leur amie Gunnhild, quant à elle, veut pratiquer la magie quoi qu’en pense sa famille. Lorsqu’une prophétie révélée par une devineresse les condamne toutes trois à connaître la violence et la mort, elles se jurent de toujours s’entraider afin de se protéger de ce triste destin.
Des années plus tard, un raid va faire basculer leurs vies dans la tempête. Gunnhild, qui avait quitté leur village natal pour apprendre la sorcellerie, va porter secours à ses amies afin de respecter leur pacte. Prises entre de dangereuses luttes de pouvoir au sein des clans vikings et pourchassées par des sorcières aux sombres desseins, leur lien sera mis à rude épreuve, d’une manière qu’aucune n’aurait pu imaginer.
Traduit de l’anglais par Benjamin Kuntzer

Mon avis

Ce roman est divisé en 4 parties, autant de chemin de vie que prendront les protagonistes au fil de cette histoire. Trois amies jouent ensemble depuis qu’elles sont toutes petites et partagent leurs secrets. L’une d’entre elles, Gunnhild, est maltraitée par sa mère. Oddny et Signy sont sœurs, se chamaillent mais restent soudées. Ce trio fait un soir un serment scellé par un pacte de sang. « Elles seront toujours là les unes pour les autres ». Le même soir une prophétesse à la cour du roi, père de Gunnhild vient faire ses prédictions. Et alors que les 2 sœurs vont avoir leur avenir révélé, à leur demande, Gunnhild se joint à elles. Dès lors, leurs destins basculent, « l’une d’entre elles obscurcit le destin des deux autres ». Ainsi parle la prophétesse, comme une malédiction. Mais dans l’immédiat, Gunnhild fuit surtout la maltraitance que sa mère lui fait subir en suivant la prophétesse qui lui enseignera son art.

Douze années ont passé et Oddny et Signy sont toujours célibataires. Un jour, un brouillard magique et des pillards attaquent la ferme où elles vivent avec leur mère. Signy est enlevée. Oddny, elle, est sauvée par un étrange oiseau qui attaque son agresseur. Cet oiseau, c’est Gunnhild qui s’est transformée et surveille le bien être de ses amies par le truchement de la magie. Malheureusement, seule Oddny sera sauvée. Gunnhild va respecter le serment qui la lie à ses amies et tout faire pour retrouver Signy.

Elle rencontre Eirik, roi Viking et héritier du roi de la Norvège. Il a mauvaise réputation, a tué 2 de ses frères et des sorcières. Malgré cette réputation épouvantable, Gunnhild, va passer une alliance avec Eirik pour secourir Signy. Dans le même temps, Oddny se retrouve face à son agresseur Halldor. Elle obtiendra une réparation financière qui devrait lui permettre de sauver Signy. Les deux amies vont dès lors accepter de modifier leur chemin de vie pour retrouver la troisième. Ce qui ne sera pas si simple à mettre en oeuvre.

Au delà de la quête de ces femmes, dans ce roman il y a les traditions viking qui sont particulièrement bien décrites. Les célébrations sont rapportées comme si nous les vivions. Les villages sont présentés de manière précises lors des visites des protagonistes. On apprend beaucoup sur la vie de ces gens du Nord durant les saisons. Plus précisément lors des saisons où les raids n’ont pas lieu. Comment se nourrissent-ils, où se lavent-ils ? Comment sont entretenus les drakkars? C’est très intéressant et instructif.

Bien sûr, il y a aussi toute une romance qui va se révéler entre les héros de cette histoire. C’est un support à une meilleure connaissance des mœurs des Vikings que l’on découvrira par ce biais. On y verra l’importance de l’honneur, l’honnêteté et la loyauté. Ces valeurs fortes sont intégrées tout au long de cette histoire pour tous les protagonistes.

Genevieve Gornichec a la délicatesse d’ajouter à la fin du roman des explications sur les nombreux personnages de son roman, sur les modifications qu’elle a appliqué dans son texte pour une meilleure lisibilité, et sur ses sources documentaires. J’ai aussi beaucoup apprecié l’intégration d’un personnage trans et sa capacité à respecter sa compagne. C’est un message de tolérance habilement installé dans le texte.

Ce roman a été un excellent moment de lecture, et je suis ravie d’avoir eu la possibilité de l’avoir en version collector. En effet, j’apprécie particulièrement la jaquette superbement adaptée à l’histoire, la tranche décorée et la couverture magnifique. Et je rajouterai que le papier et la typographie sont un régal pour la lecture de ce roman, ce n’est pas rien.

Mes Romans de l’Automne -1

L’automne sans fin -Amy Avery – Editions Sabran – 392 pages

4ème de couverture

Qu’adviendra-t-il d’un monde qui ne peut échapper à l’automne ?
Dans un monde où chaque saison est incarnée par un dieu, Tirne mène une vie bien différente des autres mortels. Elle est le héraut de l’Automne, une divinité distante et froide qui règne sur sa saison et les âmes défuntes.
Comme chaque année, elle accompagne son dieu dans le royaume des humains. Mais le Miroir qui permet leur traversée se brise, les piégeant tous les deux et plongeant le monde dans un automne sans fin.
Désormais prisonniers de leur saison, ils devront faire face aux afflictions de la vie mortelle, alors que les catastrophes se succèdent. Suspectée d’être l’instigatrice de ce chaos, Tirne devra découvrir qui aurait intérêt à ce qu’un dieu soit exilé à tout jamais…

Mon avis

Un grand merci aux éditions Sabran pour ce roman collector superbe dont la couverture et la tranche décorée dans le thème de l’histoire sont de toute beauté. J’ai beaucoup aimé ce roman de saison pour les différents sujets abordés.

Dans cet univers, les 4 saisons sont personnifiées par des Dieux. Automne et Tirne arrivent au temple pour leur saison et le drame est immédiat. Brisé, le miroir de passage devient le fil rouge d’une intrigue troublante. Qui voudrait retenir le dieu de la mort chez les humains ? Qui voudrait d’un automne infini qui entraînerait la famine, la misère de tout un peuple, voire remettrait en question la légitimité des dieux et de l’empire ? Soupçonnée, Tirne perd son titre d’héraut d’Automne pour lequel elle s’était tant battue. Sa fière légitimité lui permettait d’officier aveuglément pour son dieu : elle doit retrouver son titre.

Quand Automne accepte qu’elle enquête sur les membres du culte, ses amis, et tous ceux qui travaillent sur la réparation du miroir, Tirne commence à soupçonner que l’un d’entre eux a lancé une malédiction contre elle. Lequel ? Pourquoi elle ? On découvre alors toute une palette complexe de personnages : ennemis, amis et/ou amoureux-ses. La fidélité de Tirne oscille entre ses amitiés, son humanité et sa dévotion. Mais sa quête de rédemption et ses épreuves la forceront à voir le monde et son dieu sous un autre angle, proche de l’hérésie.

L’autrice a prit le parti d’écrire un roman fantastico-policier inclusif ou la romance, quoique sous-jacente, n’est pas l’élément central de l’histoire. La rupture du miroir et l’impureté de Tirne sont les questions cruciales à résoudre. Et l’obsession de Tirne pour retrouver son titre est une descente aux enfers qui semble sans fin. L’écriture d’Amy Avery est fluide, douce, parfois lourde comme un jour de pluie d’Automne. Dans cet environnement automnal, la protagoniste est une vive lumière dont l’acharnement dénouera cette situation ou son dieu est terriblement menacé.

Un roman à lire sur son canapé, en Automne par exemple, accompagné d’une boisson chaude et d’une chaude couverture pour un maximum de plaisir.

Mes romans de l’été 2024 – 5

Petites Dents, Grands crocs

Emilie Guillaumin – 272 pages – HARPER COLLINS (04/01/2023) 

4ème de couverture

Sarah Barry, épouse et mère en apparence comblée, a quitté les RH d’une grande entreprise pour s’accorder une année d’écriture. Mais alors qu’elle dispose enfin du temps nécessaire, le piège de la domesticité semble se refermer sur elle.

Cela commence par une fatigue inhabituelle, des chutes de cheveux, et puis il y a ces maux de tête lancinants.

Quand il n’est pas en voyage d’affaires, son mari la couve, la chahute, la questionne. Entraînant leur fils dans ce manège qui ne tourne plus très rond. À moins que ce ne soit elle qui fantasme ?

Dans une langue et un rythme envoûtants, sorte de ritournelle noire où les vampires prennent les atours de la tendresse, Émilie Guillaumin offre avec ce troisième livre un regard sans concession sur le couple et la maternité.

Mon avis :

Un grand merci à Babelio et les éditions Harper Collins poche pour ce roman proposé dans le cadre de Masse critique. Il aurait peut être fallu insérer au début de ce roman un trigger warning concernant les araignées.

Cette épouse, très amoureuse de son époux, s’est perdue dans les désirs de celui-ci. Besoin d’amour ou de possession, très vite on comprend que c’est lui qui compte, qui décide, qui prend toute la place. C’est pour le bien de sa femme et son fils qu’il adore. Et puis c’est un jeune entrepreneur très sollicité, qui se bat pour son entreprise, un bon fils, un bon père, un bon mari. Enfin, c’est l’image, et si on grattait un peu ? On ne peut pas, tout est lisse.

Même l’enfant, Thomas, est intrigant. Il ne semble être qu’un personnage secondaire dans la vie de Sarah. Une contrainte, une obligation, presque une anomalie dans sa vie. De plus, il a d’étranges réactions possessives comme son père. Et cette attirance pour le sang, l’odeur du sang, le goût du sang, ça pose problème y compris à l’école. En même temps, il semble être un mignon petit garçon. Doit-on s’y fier ?

Alors Sarah ? Pourquoi s’est-elle coupée du monde qui lui convenait ? Quitter son travail, ne plus voir ses amies, se retrouver enfermée avec ce projet de livre qu’elle pensait vouloir écrire ? Quel jeu joue t’elle ? La bonne mère de famille, la femme aimante, efficace et dévouée ? Non, quelque chose cloche. Elle est épuisée, trop. Elle voit des médecins, leur explique ses symptômes. Peu efficace. Sa santé décline vite, sa raison aussi. Elle est seule. Par choix ?

La fin de ce roman nous donnera une solution glaçante. Mais le pourquoi, le comment, le qui ? Il n’y aura aucune réponse.

Je suis sortie de ce histoire confuse et nauséeuse. Son atmosphère pesante, poisseuse et malsaine m’a poursuivie pendant toute la lecture et après aussi. Je ne sais pas si j’ai aimé cette histoire, détesté les personnages, envie d’aider Sarah à tout prix. Au final, elle ne m’a pas laissé indifférente, c’est là le talent de l’autrice. Elle aura su instillé un univers à la spirale infernale dans laquelle tombe Sarah irrémédiablement. Bref un roman perturbant qui pose un regard inquiétant sur la vie de famille.

Découvrez d’autres romans :
– Un parfum d’encre et de liberté de Sarah McCoy

Mes romans de l’été 2024 – 4

Panorama – Lilia Hassaine –

240 pages – GALLIMARD (17/08/2023)

Résumé : « Les premières lignes du prologue nous mettent sur la piste d’une enquête policière avec comme narratrice celle qui va la mener. Une disparition, banale pour un polar. Un couple et son fils de huit ans.
Sauf que nous sommes en 2049, dans une France dystopique où on vit à l’ère de la Transparence depuis la Revenge week de 2029, révolution qui a éclaté suite à un énième crime jugé impuni par une population excédée par le laxisme de la justice. Pour se libérer du Mal, les Français ont désormais le choix : vivre dans des quartiers transparents composés de maisons-vivariums. Un moins pire des mondes où on ne peut plus battre sa femme, maltraiter un enfant ou une personne âgée en EHPAD puisque la moindre suspicion de crime déclenche immédiatement une réaction des voisins, tous en hyper vigilance sur ce qu’il se passe à côté de chez eux.
Dystopie ou le peuple juge en votant si les jugés présumés coupables le sont vraiment. a eux de prouver leur innocence

Mon avis : En prenant l’angle d’une enquête policière, l’autrice dénonce les dérives d’une société soit disant parfaite. Sauf que cette enquête devient aussi sociétale.

Entre les procès populistes en direct live, des zones de droit et l’exhibitionnisme d’une certaine population bien pensante, cette utopie est glaçante et pour ma part, j’ai eu juste envie de fuir ces voyeurs et courir vers les zones « non protégées ».

Un grand bravo à Lilia Hassaine qui sait raconter cette histoire sans mettre de pathos mais beaucoup de lucidité et de calme dans ce monde fou qu’elle narre. J’ai dévoré ce roman de « science-fiction » étonnant.