Le concours 2025 Dis moi Dix mots sur la planète est terminé.
En premier un grand bravo à tous les écrivants qui ont soumis leur nouvelle au concours. Car c’est un challenge pour toute personne qui fait cette démarche. Ensuite parce que les textes sous contrainte sont souvent complexe à écrire. Et cette année, les mots étaient particulièrement « coton ». Pour rappel on avait : Biome, butiner, canopée, conséconscient, débrousser,empreinte, glaner, palmeraie, solaire, vivant.
Pour pouvoir être sélectionné, il fallait mettre au moins 6 de ces mots dans un texte de 7000 signes espaces compris (soit environ 2 pages).
Les textes reçus étaient d’un bon niveau avec des histoires construites, efficaces, touchantes, drôles, pertinentes.
Je n’ai qu’un regret, c’est l’absence de textes d’écrivants jeunesse. C’est dommage, car je sais, pour les avoir eu en atelier d’écriture, qu’il y a d’excellentes plumes dans cette ville. Peut-être que l’an prochain, certains oseront.
Une mention spéciale à mes deux partenaires. La librairie Entre les Pages et la médiathèque Georges Brassens qui ont fait la promotion de ce concours pendant les 3 mois d’ouverture. C’est dans ces lieux que l’amour des mots se développe et j’y suis particulièrement attachée. Alors les avoir pour partenaires c’est un petits bonheurs dont je ne se me lasse pas.
Un grand merci à mon jury si efficace et impartial. En effet si l’association -dont je suis la présidente- reçoit les nouvelles, elles sont toutes anonymisées pour éviter le moindre favoritisme. Seul le plaisir est le guide des jurés. Et comme elles et il ont eut a peine une semaine et demi pour faire leur choix, ils ont droit à un grand bravo.
Quand à la nouvelle gagnante, je suis ravie du choix du jury.
Premièrement, parce que cette nouvelle a touché une majorité des membres autant par sa qualité d’écriture que l’histoire chaleureuse racontée. « On a besoin de douceur en ce moment» m’a écrit un juré.
Et deuxièmement, parce que cette personne, très chère à mon cœur, sachant que je désespérais de recevoir plus de 2 nouvelles, a voulu me réconforter et a joué le jeu de l’écriture sous contrainte.
Comme quoi la gentillesse aura porté ces fruits cette année.
Voici ci-dessous la nouvelle qui l’a remporté.

Dans les vignes
« Balto ! Balto !… Mais où est-il passé ce chien ? » Cela faisait au minimum quinze bonnes minutes qu’il avait disparu dans les vignes. Habituellement, il se baladait tranquillement, restant toujours à portée de vue. Il sautillait de pied de vigne en pied de vigne, reniflant et humant les douces odeurs qui émanaient de la terre. Ce biome occitan, c’était son territoire, son monde. De tout temps, en toute saison, sous la pluie, le soleil, face au vent, parfois même en pleine nuit, c’est là qu’elle l’emmenait se promener. Il avait ses repères et ses petites habitudes. Parfois, quand les fleurs des champs étaient de la partie, on aurait pu croire qu’il les butinait, tel une abeille ou plutôt un gros bourdon, au vu de ses cinquante kilos ! Son pelage était noir, désormais parsemé de quelques traces blanches. Dix ans déjà qu’elle avait eu le coup de foudre. Dix ans d’un amour sincère, pur et fidèle. Une décennie écoulée en un éclair…
Quand les enfants étaient rentrés de leur matinée d’école ce jour-là, ils l’avaient aperçu, caché sous la table. Une petite boule de poils, de grands yeux taquins, mi-endormie mi-apeurée, et de grosses pattes qui laisseraient plus tard de belles et gigantesques empreintes dans le sable des plages du sud.
Il était devenu un membre de la famille à part entière. Il avait vécu chaque instant du quotidien, chaque anniversaire, chaque Noël, chaque repas de famille où il parvenait toujours à glaner quelques tranches de saucisson de l’apéritif ! Il faut dire qu’il arrivait à la hauteur de la table, ce qui était plutôt pratique pour récupérer les miettes abandonnées par-ci par-là…
Cela faisait presque une demi-heure qu’il avait disparu maintenant. Elle commençait à s’inquiéter. Elle s’était approchée de la petite forêt du coin, celle qui apparaissait tout au bout des vignes. Elle n’aimait pas vraiment aller là-bas. C’était loin de ressembler à une palmeraie agréable où l’on appréciait se dégourdir les jambes… Ce petit coin boisé aurait bien eu besoin d’être débroussé, afin de planter des melons, courgettes ou autres cucurbitacées qui auraient laissé de la visibilité pour chien égaré !
Tamaris, amandiers, pins… tous ces arbres qui formaient une canopée originale avaient dû grandir au fil des ans, sans intervention humaine. Personne n’osant défier Dame Nature qui les avaient placés là. Parfois, les Hommes surprennent et se montrent conséconscients et respectent leur environnement !
«Balto, Balto… Ah te voilà!» Il se tenait là, devant elle, remuant la queue, visiblement heureux et satisfait de sa promenade. Entre ses pattes se tenait une minuscule pelote de poils, assez mal en point. Elle avait du mal à distinguer de quel animal il s’agissait et même s’il était encore en vie. C’est alors que la petite créature poussa quelques cris stridents, à peine audibles. Notre héros à quatre pattes se recula légèrement pour laisser la place à sa maitresse. Elle découvrit alors un renardeau tout ébouriffé, mais qui semblait s’accrocher. Il avait été probablement laissé pour mort, les chasseurs du coin avaient certainement tué sa mère.
Que faire désormais ? Elle l’enveloppa délicatement de sa veste en prenant soin de ne pas trop le manipuler.
Sur le retour vers la voiture, elle regarda son fidèle compagnon avec tendresse. Il semblait si prévenant et inquiet, qu’elle crut détecter dans son regard un message « prends soin de lui, comme tu as pris soin de moi ». Elle sourit et pensa à ce dessin animé qu’elle avait tant aimé alors qu’elle n’était qu’une enfant. L’amitié entre un renard et un chien, l’amour de certains humains envers les animaux, le message de l’époque était toujours d’actualité finalement. Prendre soin de ces êtres vivants, de la nature plus généralement, tisser des liens avec des êtres différents, parfois bien plus profonds qu’avec ses congénères…c’était cela vivre en harmonie, vivre en paix avec ses prochains, tous sans exception.
Cette nuit-là fut très courte, le vétérinaire des urgences avait refusé de prendre en charge le petit roux. Elle se résigna alors à le ramener chez elle, et dut le nourrir à la seringue toutes les heures. Il était adorable, certes, mais elle ne pouvait se permettre de le garder. Il fallait lui trouver un lieu de vie adapté à ses besoins, en toute sécurité, loin de la haine des humains.
Elle fouilla internet et prit contact avec une association « Solaires et solidaires », spécialisée dans les animaux dits « nuisibles ». Rendez-vous fut pris pour le lendemain.
Arrivée sur place, elle présenta Rouky à la directrice du centre. Oui, elle lui avait donné un nom, elle avait craqué. La référence était évidente, les membres de l’association, touchés et amusés. Elle le savait en sécurité désormais.
Quelques semaines plus tard, lors d’une de ses balades quotidiennes, elle retrouva Balto sur les lieux de la rencontre. Il reniflait chaque brindille, chaque feuille, chaque souche…il le cherchait vraisemblablement. « Ne t’inquiète pas, il va bien et est entre de bonnes mains » lui dit-elle. Elle recevait en effet des nouvelles et même des photos de l’association dont elle était devenue marraine évidemment.
Ils échangèrent un regard complice et repartirent dans les vignes, profitant d’un somptueux coucher de soleil.
Natacha Gomez- natiplume34@gmail.com